Les familles tunisiennes qui se déplacent d’habitude en masse pour profiter de l’ambiance festive des jours qui précèdent Aïd El Fitr ne sont plus à la fête, à cause des prix peu attractifs des vêtements…
L’Aïd el fitr approche à grands pas. Prévu en début de la semaine prochaine, probablement le lundi 2 mai 2022, en attendant l’observation du croisant lunaire et l’annonce officielle du mufti de la République, il n’en suscite pas moins un intérêt minime des consommateurs tunisiens qui ne se bousculent pas au portillon, notamment sur la ligne de vêtements et chaussures. Malgré les efforts des commerçants qui promeuvent des prix spéciaux pour l’Aïd avec des réductions de 20% pour certains d’entre eux sous les slogans « promo aïd » ou « spécial aïd » ou encore des promotions avec des remises à la caisse, le client rechigne à mettre la main à la poche et déserte les espaces commerciaux. Une vendeuse dans une boutique de la rue Jamel Abdennacer fait la grimace et admet que le consommateur « n’a pas les moyens de s’acheter des vêtements de marque ou de qualité », et ce, malgré des réductions promotionnelles qu’elle propose depuis le 13 mars dernier. En dépit de la présence de vendeurs à la sauvette devant sa boutique et dans les rues adjacentes et environnantes, elle se défend de critiquer ces derniers qui vivent dans la précarité. Alors que les vendeurs ambulants sont une catastrophe pour les finances de l’Etat car ils ne paient ni impôt, ni taxe et aucune redevance, ils continuent de « faire la pluie et le beau temps » auprès d’une clientèle obnubilée par les prix et peu regardante sur la qualité.
Une tare consumériste qui a nui à l’essor du commerce de prêt-à-porter au centre-ville ces dernières années, même si de nombreux centres commerciaux continuent de fonctionner et surmontent la crise en révisant et ajustant leur prix dès que possible. Car l’inflation frappe durement le secteur à hauteur d’une augmentation de 20% sur la ligne des vêtements et chaussures. Pour avoir un bel ensemble présenté en vitrine composé d’une chemise à 169 D, un jeans à 99 D et des chaussures à 249 D, il faut compter plus de 500 D… Sinon il faut se rendre à l’évidence et se diriger vers la camelote des articles contrefaits et fripés. Parce que le système encourage l’essor du commerce des « défavorisés » de l’avis de certaines personnes qui se disent dégoûtées de voir combien la fripe a pris de l’importance en Tunisie en défigurant le paysage des villes et de la Médina. A regarder de près les prix pratiqués dans les boutiques, le client est entre le marteau et l’enclume. Il s’approvisionne souvent auprès des boutiques de fripe de luxe à l’Aouina ou encore des quartiers de l’Ariana en évitant la tentation des centres commerciaux…
Prix hors de portée des bourses
A moins d’acheter un seul article par personne dans chaque famille, une chemise pour l’un, des chaussures pour l’autre, ou encore une robe, il est impossible d’être satisfait complètement à moins de 250 D par enfant. Dans la majorité, les articles de qualité coûtent cher, mais désormais même la moyenne gamme devient hors de prix, surtout celle importée. Dans la ligne masculine, on a des tee-shirts à 100 D, des chaussures avec une semelle en gomme à 160 D, des jeans à 160 D, des polos entre 60 et 80 D et ce n’est pas fini. Il faut vraiment fouiner et chercher pour trouver la bonne affaire. Même les articles exposés à l’entrée dans un tas censés être accessibles, ne le sont plus avec des tee-shirts et des chemises entre 60 et 100 D. Du côté des enfants, les prix ne sont guère meilleurs malgré la petite taille des articles avec là encore des tee-shirts et des pulls à 70 D, des shorts à 60 D, des robes à 150 D, ce qui fait grimper rapidement l’addition. Seules les femmes se rendent en masse dans les magasins pour profiter des remises de 50% sur les chaussures en espérant trouver la pointure, des robes, sacs et accessoires et autres espaces 100% destinés à la gent féminine qui reste privilégiée à cause d’une demande plus importante par rapport aux hommes et aux enfants.
Parfois, le shopping se déroule dans de mauvaises conditions d’éclairage, avec un escalator non fonctionnel sans qu’on ne sache, ni pourquoi ni comment, même s’il faut deviner le prétexte d’une panne. Parce que pour le protocole sanitaire, malgré la période d’accalmie actuelle avec un risque de contamination moins élevé, il faudra repasser. Exit les réflexes et les gestes barrières.
Le protocole sanitaire aux oubliettes
La majeure partie de la clientèle ne porte plus la bavette, mais elle doit assumer son choix dans les espaces publics. En tout cas, le contrôle est moins rigoureux à l’entrée des magasins car le « pass vaccinal » n’est plus exigé comme en début d’année. Mais l’absence de gel hydroalcoolique dans les distributeurs n’est pas un élément satisfaisant et supprime les bonnes habitudes en matière d’hygiène. Il y a un relâchement après la période d’efforts où les boutiquiers ont montré l’exemple au contraire de leurs homologues de la friperie.
Les nombreux quartiers de Tunis et des autres villes tunisiennes qui proposent des articles fripés prouvent que leur activité est largement facilitée et permise, alors qu’elle « brise » le travail des boutiquiers des habits originaux. Déjà que les vêtements contrefaits pullulent dans les ruelles de Tunis, certains ferment boutique pendant que d’autres attendent les beaux jours…